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Photo du rédacteurDominique Durand

Lettre N° 13–Juillet 2017

Dernière mise à jour : 25 avr. 2020

Ne pas faire semblant



Avec un tant soit peu de lucidité, il nous faut bien reconnaître, que nous sommes souvent là en train de méditer, sans être là. Nous faisons semblant. Personne n'en est témoin, cependant nous savons que nous ne sommes pas présents, nous nous trahissons nous-mêmes, ou plus exactement nous trahissons quelque chose qui semble plus important que tout, nous laissons filer « l'événement par excellence, la vie... » (Dogen).

Dans ces circonstances, se reprendre, ne signifie pas seulement revenir au moment présent, à l'ici et maintenant, c'est répondre de tout soi-même à cette « impulsion de vie qui s'empare de nous » (K.G.Dürckheim).

Dans l'activité méditative, le demi tour opéré face au mur et la tenue actualisent une décision de changement d'attitude et attestent de notre capacité à saisir ou se laisser saisir par cette impulsion dont parle Dürckheim.

Assumer pleinement le demi tour est une action qui engage notre responsabilité : celle de tourner le dos à l'efficacité et à la production d'images ; nous ne cherchons plus à savoir pourquoi nous sommes assis, ni à quoi ça sert. Nous prenons la décision de laisser l'action en cours nous initier, nous introduire dans un autre type d 'activité. Nous réalisons de cette manière que le demi tour souligne ce passage d'un fonctionnement égocentrique à celui d'un abandon actif. A chaque fois que nous opérons ce demi tour, nous pouvons reprendre cette décision en évitant une ritualisation vide de sens.

Tout aussi précieuse est la tenue. Se reprendre dans la tenue n'est pas faire acte d'une meilleure position physique, c'est attester dans l'instant que cette tenue prend acte du simplement vivre. C'est une saisie immédiate de l'immanence du vivre. La vie nous arrive là, dégagée de son sens moral et intellectuel, elle surgit allégée du poids de l'« à quoi bon ? », la tenue consent et acquiesce.

Lorsqu'on s'efforce de ne plus faire semblant, on prend goût à autre chose que le virtuel de la pensée, on prend goût au vivant qui se réalise là, dans l'immédiateté. Alors on peut de moins en moins s'éloigner de cette réalité. On s'habitue au fait de devenir disciple. De quoi devient-on disciple ? Certes, d'un maître, d'un enseignement, mais très vite, ou peut-être moins vite, on réalise que l'on a à se mettre au service de ce qui nous apparaît comme étant la source de ce qui nous est donné : la vie.

Dans un essai récemment paru, François Jullien a l'audace de « se demander si un nouveau début ne peut avoir lieu dans la vie, sans invoquer d'ailleurs et d'espérance » et s'il est possible « non plus de répéter sa vie, mais de la reprendre et de commencer véritablement d'exister ». Nous ne pouvons qu'être troublé par ce questionnement, qui, un jour ou l'autre nous a peut-être incités à vouloir changer de vie : se reconvertir professionnellement, chercher un regain de vitalité dans une nouvelle relation amoureuse, voguer vers des horizons nouveaux.

Eh bien portons cette audace, non dans le développement philosophique, mais dans l'immédiateté de l'attitude méditative : opérer ce demi tour et s'assoir le dos droit.

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