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  • Photo du rédacteurDominique Durand

Lettre N° 24–Mars 2020

Dernière mise à jour : 25 avr. 2020

Lettre d'accompagnement en temps de confinement


Je ne saurais ajouter à tous les messages que vous recevez, des propos déjà évoqués mille fois sur les réseaux sociaux. Toutes les conditions sont requises pour une prise de conscience, on ne peut plus concrète, de l'interdépendance, de l'impermanence et de la vulnérabilité de l'être humain.

Chacun d'entre nous reçoit un message et en fait bon usage là où il se trouve. Par la force, nous rentrons dans une période de maturation de notre état d'être humain.

Cependant, il semble que nous ayons plus à apprendre des circonstances, dans ce face à face imposé avec nous-mêmes, que de n'importe quel discours qui voudrait donner du sens aux événements et par le même biais, une leçon de sagesse.

La sagesse, c'est de nous voir, aujourd'hui, tels que nous sommes, fragiles et forts, nous voir humblement tout en sachant que ces deux réalités coexistent das le moment présent.

Nous avons à apprendre une manière plus juste d'établir le contact avec nous-mêmes, les autres et le monde. Comme le précise la philosophe Corine Pelluchon dans le monde d'hier : « habiter autrement le monde ».

Et voilà, qu'invariablement, nous sommes obligés de revenir à cet obstacle que constitue l'ego pour chacun d'entre nous.

Qu'allons-nous faire de nous-mêmes dans ces circonstances ?

Il n'est pas question de fustiger l'ego, de le diaboliser comme si nous portions les stigmates du pêché originel. Ce point de vue ne peut que nous durcir dans une attitude d'auto-surveillance qui ne favorise pas la spontanéité (donc le naturel ) et l'attitude juste.

Si vous prenez le temps de chercher la définition de ces trois lettres tant décriées, vous verrez que le terme « ego » désigne la représentation et la conscience que l'on a de soi-même. L'ego, c'est « l'être pensant », c'est la représentation et la conscience que tout individu a de lui-même et, qui dit représentation, dit séparation (séparation d'avec le Tout, donc le contraire de l'interdépendance) et désir de se maintenir dans une forme spécifique et définitive (donc le contraire de l'impermanence).

Cette édification du moi n'est en rien critiquable, il est juste nécessaire de la considérer dans ses propres limites. Nous avons appris à nous percevoir à travers les filtres d'une personnalité construite à laquelle nous tenons, ça n'est ni bien ni mal. Il faut cependant reconnaître que seules les plongées radicales en-dehors de ces structures figées, peuvent nous éclairer sur le caractère limité, illusoire, voire dérisoire de ces constructions. Ça n'est dons pas en s'attaquant à celles-ci et en fustigeant l'ego que l'on parviendra à bout de quoi que ce soit, mais en plongeant dans ce bain d'inconnaissance qu'est le zazen.

Tout en étant assis d'une manière formelle et selon des codes très précis, nous faisons l'expérience de l'informel qui libère naturellement.

Jour après jour, nous sommes invités, à pas furtifs, comme lorsqu'on est au bord de la mer et que l'on teste du bout du pied la température de l'eau, à pénétrer par petites touches dans cette saveur inexplorée d'être, simple présence, sans repères et sans références. Comme d'une eau très fraîche, on ressort de ces bains successifs avec un autre goût de soi-même, étonné, voire étourdis de se sentir autre que ce que l'on pensait être. Ce sont ces bains de zazen, inlassablement renouvelés chaque jour, qui peu à peu nous donnent le goût de l'essentiel et nous aident à dénouer nos attachements illusoires à un moi qui pour autant n'est en rien éliminé. C'est l'attachement qui s'efface de lui-même, tout naturellement. L'air amusé, on se voit, puis avec humour, on se reprend.

Plus on réalise le « vaste » de notre vraie nature, plus on se désidentifie, avec légèreté

Le moi qui dit : « Cela devrait être, cela ne devrait pas être », s'estompe de lui-même, sans effort et enfin, simplement, les choses peuvent être ce qu'elles sont.

C'est pour cela que nous n'avons aucun conseil, aucun discours à livrer à qui que ce soit. Chacun n'a qu'à pratiquer pour vérifier.

Le changement, c'est tout de suite, pas après la période de confinement. Comment ? Peut-être en nous posant simplement cette question dans chacune de nos activités :

« Mon action est-elle assujettie aux visées restrictives d'un conditionnement ou prend-elle sa source dans la liberté d'être ?

Comment puis-je me libérer de moi-même dans ces circonstances ? Assumez pleinement chaque jour qu'il y a en vous ce vaste et ce limité et que ces deux réalités ne se repoussent pas l'une l'autre mais constituent votre vérité d'être humain.

Attention de ne pas croire que vous allez supporter le confinement d'une meilleure manière parce que vous pratiquez zazen. Ce serait tomber dans le piège de l'utilitarisme.

Attention de ne pas penser que vous allez pratiquer davantage et que cela comblera vos heures de désœuvrement, vous laissant croire ainsi que vous avez trouvé la sagesse au cœur du chaos. Zazen n'est pas une valeur ajoutée.

Respectez le caractère inexplorable de zazen, n'en faites pas le centre de vos projections anthropocentristes.

Je termine avec ces propos d'Olivier Reighen Wang Genh (« C'est encore loin, l'éveil?) :

« Zazen doit rester dans cette partie inexplorée, inexplorable de notre vie, la partie en éternelle jachère, non exploitée, non exploitable, la dimension naturelle, non souillée, intacte, de notre existence ».


Je profite de cette lettre pour envoyer un message à toutes les personnes qui restent au « front », Camille, Benoît et les autres.


Nous restons en lien avec vous par le cœur et vous espérons en bonne santé.


Dominique Durand

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