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Lettre n° 51 décembre 2024

Photo du rédacteur: Dominique DurandDominique Durand

Dernière mise à jour : 21 déc. 2024



Parce que c'est l'heure...


Une certaine manière d'être assis nous prédispose à une certaine manière d'agir. Non que l'on puisse donner un sens, une signification à l'action, mais que l'on apprenne à la laisser s'enraciner dans le silence, l'immobilité (c'est-à-dire l'absence de réactivité impulsive) et la verticalité d'une posture ferme et déterminée. L'action s'ancre dans le corps, évitant ainsi tout dédoublement et aussi toute complaisance envers soi-même.

         La méditation est une action qui n'a pas pour vocation de donner sens à notre vie. Pour un temps défini, nous côtoyons une façon méconnue d'aborder une activité, sans la rendre dépendante de notre système de pensée.

         Dürckheim l'avait pressenti dans cette réponse laconique à la question qui lui était posée : « Pourquoi méditer ? » « Parce que c'est l'heure », avait-il rétorqué,  coupant court à toutes les digressions philosophiques, à toute recherche de signification. Nous n'allons pas faire de l'assise quelque chose de particulier ; seul le réveil nous conduit à nous asseoir. Je fais l'assise parce que c'est l'heure. Soulagement instantané. L'initiative de l'action est attribuée à une nécessité extérieure qui me destitue spontanément de toute intention personnelle. Il n'y a pas d'origine à la décision de s'asseoir.                                   Éradiquée la question du sens, de l'absurde, éradiqué le désir de produire l'expérience inoubliable, éradiquée l'illusion de me transformer en autre chose que ce que je suis, éradiquée la volonté de comprendre et de s'approprier.

         L'acte d'être assis dans sa plus simple expression, rien de plus, rien de moins. Absence de questionnement, absence de quête, juste l'action pour l'action et cet oubli de soi qui nous introduit dans une activité bien plus large, celle de l'existence.

         Demeurer dans l'absence de désir quant à la pratique elle-même restreint considérablement notre champ de manœuvre et nous contraint de rester collés à une réalité qui ne produit rien et bouscule notre rapport au temps. Seule compte la sobriété de l'action et de nous-mêmes avec cette action. Privés de toutes sortes d'artifices, ceux qui nous permettent de garder le privilège d'une singularité, nous devenons essentiellement l'action. Celle-ci prend alors ce caractère instantané, s'effaçant au fur et à mesure sans laisser de trace.

         Lors des catastrophes qui se sont produites récemment à Valence en Espagne, une bénévole qui se rendait sur les lieux avec un seau et un balais, répondait au journaliste qui lui demandait pourquoi elle se portait volontaire : « Parce qu'il faut le faire ». Aucune intention personnelle dans le propos de cette personne, une réponse donnée à une nécessité extérieure dont s'excluait naturellement le pourquoi.

         Quelle façon touchante d'exprimer la nécessité d'une action à accomplir sans appropriation aucune.

         Ne laissons pas la méditation devenir dépendante de notre cadre de référence en voulant l'accrocher à des visées personnelles. L'absence de projet, l'absence de profit désorganise notre approche de la pratique méditative, mais surtout notre relation à l'action ; c'est pour cette raison que nous pouvons dire que lorsque nous nous asseyons, nous n'apprenons pas à nous asseoir, mais nous apprenons un certain mode d'action.

         On ne cherche plus à faire, on fait.

         On ne se demande pas si on va pouvoir le faire, on fait.

         On ne sait pas si on va pouvoir le faire, on fait.

         Demeurer innocemment dans cette attitude interrogative sans cesser d'agir là où l'on est, sans attendre, sans différer, sans espérer.

         Envisager la vie sous forme d'un projet à réaliser peut nous jouer des tours. Contentons-nous de nous asseoir chaque jour parce que c'est l'heure. Laissons chaque action, s'auto-produire, jusqu'à ce qu'elle devienne sans action. Vivre simplement dans la fluidité des activités qui s'enchaînent, vivre sans fondement.

         Nous n'avons pas à apprécier ou à évaluer notre façon d'agir, elle est juste la possibilité de se sentir être. « Quand ce que vous faites vient simplement du rien, dit Shunryu Suzuki, vous éprouvez une sensation toute neuve. D'instant en instant, tout sort de rien. Ceci est la vraie joie de la vie. »

         Parlons d'une joie concomitante à l'action et qui n'en est pas le fruit, la joie d'être dans le mouvement d'une activité plus large.

 

                                                                                         Dominique Durand

 
 
 

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