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  • Photo du rédacteurDominique Durand

Lettre N° 25–Avril 2020

Lettre d'accompagnement en temps de confinement

Depuis le 14 mars, le gong ne retentit plus dans le dojo, chaque place reste vide et cependant l'espace demeure plein de la présence de chacun.

De temps à autre, je retire la poussière de vos tapis et de vos zafus, non sans cette nostalgie d'un temps où nous avions cette possibilité de pratiquer ensemble.

Je ne sais pas pourquoi, j'en viens à vous parler d'immobilité en cette période de confinement pendant laquelle le printemps nous invite plutôt à aller gambader dans l'herbe fraîche.

La contrainte dans chacun de nos déplacements nous conduit à une réflexion, certes, une philosophie de vie, mais philosopher n'est pas encore la vraie vie dans son présent.

Redécouvrir chaque jour au sein de l'immobilité la vie se définissant comme pouvoir de s'éprouver soi-même dans son être. Non pas « être immobile », mais « se sentir », soi, dans l'expérience de l'immobilité. Goûter cette différence entre être immobile et se sentir immobile. Ce n'est pas la même chose. Apprendre soi-même par sa propre expérience.

S'éprouver ouvre la dimension de l'invisible et nous permet de découvrir l'essence intérieure de l'immobilité. S'éprouver, c'est plus fort que d'avoir l'intuition de quelque chose, c'est être confronté à une évidence, embrasser cette évidence, en voir la nature (voir dans le sens de sentir) et laisser cela se fondre et s'absorber dans toute la largeur et la vastitude de l'immobilité. Vivre, c'est cette capacité à s'éprouver, non pas dans l'identification à un vécu émotionnel quel qu'il soit, mais dans cette particularité qui consiste à laisser le corps se mettre à l'épreuve du réel, se le laisser éprouver sans commentaire, sans réaction, sans intervention et se laisser aller à cette expérience qu'il n'y a personne pour en souffrir.

Et si nous faisions de notre quotidien cet exercice : non pas « je suis agité » mais « je me sens agité » ; non pas « je suis triste » mais « je me sens triste » ; comme si cette attitude réflexive, loin d'être un retour egocentré sur soi, nous permettait d'éprouver le vivant dans sa totalité, soi-même en tant qu'être vivant dans un lieu qui ne définit pas, ne juge pas. Seulement sentir et constater qu'en laissant cet éprouvé se dérouler, sans en attendre la fin, une entière liberté est laissée aux vécus successifs, d'aller et venir, sans que rien n'en soit affecté.

S'éprouver dans l'immobilité, c'est le contraire d'une fuite, c'est apprendre la vraie vie. Apparaît l'évidence que les choses ne peuvent être que ce qu'elles sont, l'immobilité vécue dans une parfaite coïncidence confirme cela. L'immobilité ne suggère pas une compréhension des choses, une explication, un sens, ça n'est pas un temps pour « réfléchir », c'est un temps pour intégrer ce qui, jusque-là, nous séparait du vivant.

La seule chose qui persiste dans l'immobilité, c'est l'acte de se percevoir en lien avec tout ce qui se présente. Dans cette situation coexistent le vaste et le conditionné, sans s'exclure l'un l'autre, ils s'absorbent. Il n'y a pas d'illusion, seulement les choses telles quelles et moi-même tel quel.


Dominique Durand



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