Du doute à l'évidence
Les pratiquants de la méditation n'en finissent pas de souligner le hiatus qui persiste entre la question « Pourquoi méditer ? » et l'évidence qui surgit au cœur de la pratique elle-même.
Si nous ne voulons pas demeurer accrochés à l'abîme des questionnements métaphysiques qui suscitent angoisse et désespoir, il devient urgent de cultiver un autre mode d'approche du monde et de soi-même, une façon de nous extraire de la question pour devenir la réponse. Cette invitation était déjà celle faite par Dieu à l'homme et rapportée ainsi dans le Bible : « Apprends que c'est moi seul qui Suis la question et qu'il t'appartient d'être réponse. » Cette injonction mobilisante replace l'être humain dans sa propre responsabilité de devenir ce qu'il cherche .
Être réponse (nous remarquons au passage l'absence d'article défini, ouvrant ainsi cette réponse à une multitude de possibles non déterminés préalablement) implique une action vivante qui ne peut se restreindre au cloisonnement d'une pensée. Cela nous entraîne non pas dans la quête de l'inappropriable, de l'impensable, mais dans l'exigence de devenir cet improbable, de s'en étonner et de faire l'expérience que ce qui est vécu annule toute forme de questionnement.
L'inconnaissable devient l'expérience fondatrice parce qu'il est clair que nous réalisons soudainement que nous sommes cet inconnaissable. C'est cela qui renverse nos valeurs établies et nos croyances.
L'étonnement d'être est un magnifique remède à l'angoisse existentielle qui se tient toujours en retrait de l'être. D'une manière essentielle d'être là (essentielle dans le sens de naturelle) peut naître une sérénité tout à la fois contemplative et créatrice. Le grand doute sur lequel demeure la question ne s'abolit que dans la réponse donnée par l'expérience vécue dans la pratique et bien entendu lorsque cette pratique déborde dans n'importe quelle action du quotidien.
Nous avons la chance de nous confier chaque jour à un exercice qui nous extrait des limites de l'esprit et nourrit notre expérience de la manière la plus concrète et la plus simple qui soit : être assis. Nous ne pouvons réaliser véritablement ce qu'est notre vie, ce que c'est que être, que si nous laissons advenir « je suis » dans et par ce que nous ne faisons pas. L'action que nous faisons, c'est celle que nous décidons, que nous entreprenons, que nous finissons dans un temps donné.
Celle qui n'est pas de notre fait, c'est celle d'abord qu'il nous faut reconnaître, puis à laquelle nous devons nous soumettre et consentir pour enfin coïncider avec elle.
L'exercice nous conduit inlassablement à reconnaître les forces de vie (celles qui font que je respire, que je marche, que je me tiens debout), à les laisser s'organiser et à en devenir l'expression dans une tenue juste, laquelle se prolongera dans l'attitude juste, le geste juste.
Ces moments furtifs de justesse deviennent réponse, parce que la subjectivité est venue se briser sur l'ordre parfait d'une action non revendiquée par l'égo.
C'est précisément là que « je sais » se substitue à « je pense ». C'est parce qu'il y a un changement dans le mode d'approche et de connaissance de notre propre réalité, que la réponse peut éclater au grand jour. Là, il n'y a plus aucun doute.
Au lieu de rester accrochés à l'abîme des questionnements métaphysiques qui suscitent angoisse et désespoir, livrons-nous à l'étonnement d'être.
Dominique Durand
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