Méditer pour cesser d'ignorer ce que nous sommes au plus profond
Les raisons conscientes qui nous engagent dans la pratique chaque jour, prennent racines dans ce que nous savons, et nous envisageons ainsi l'exercice dans la continuité de nous-mêmes comme si nous allions nous assoir dans le prolongement de l'ego, de ses propres fonctionnements et de ses représentations. Cela pourrait s'intituler : s'assoir dans tous ses états, états du moi, il va sans dire...
Nous le savons, notre manière d'être habituelle est une succession d'états qui alternent entre bonne et mauvaise humeur, espoir et désespoir. L'état, si nous reprenons les termes du dictionnaire, correspond à une manière d'être physique ou morale, et le dictionnaire psychanalytique parle effectivement d'états de détresse, d'états amoureux et renvoie à la rubrique : « Etats du moi ». Il semblerait qu'il ne puisse y avoir d'états sans un moi.
Toutes les façons d'envisager la méditation (même celle qu'envisage ma plume au moment où j'écris), le sont à partir de mises en situation qui affectent la personne d'une manière ou d'une autre. Or la méditation, c'est une plongée « hors situation ». C'est l'expérience du non état, non concevable par le moi. Le non état n'est ni psychologique ni physiologique, il ne concerne ni l'humeur, ni le corps que j'ai, il n'est pas le contraire d'un état, il est l'absence d'état, absence d'angoisse, absence de tourment, absence du désir de ce qui n'est pas.
Le non état, c'est la plénitude de ce qui ne manque pas, paradoxe indémontrable, il court-circuite toute réflexion sur soi-même, tout désir de se sentir identique à soi-même.
La pratique n'est pas faite pour se reconnaître comme on le ferait devant un miroir, mais pour se désapprendre de soi-même, c'est une participation immédiate à la vie sans l'intermédiaire d'une pensée interprétative.
Juste le temps d'une inspiration ; rencontrer l'indéfinissable de nous-mêmes.
Nous ne méditons pas chaque jour pour trouver une « paix bourgeoise » ou pour suivre notre « mêmeté », mais pour goûter « l'arrière-plan » et « se laisser apprivoiser par cette autre dimensionde soi-même ».
Revenir à l'exercice chaque jour, c'est l'opportunité de se laisser saisir par cet indescriptible non état.
Le moi ne peut envisager les effets de la pratique, parce que la méditation nous met en-dehors de toutes les fluctuations de l'ego et que rien n'y est fait pour l'ego.
Méditer : « Fréquenter » (dans le sens de voir souvent), se familiariser avec l'inconnu de soi, se laisser surprendre et interroger par l'Etre. Renouer pour quelques minutes par jour avec la liberté de l'Etre.
« Il ne faut pas comprendre, il faut perdre connaissance » ( propos d'Ysé dan « le Partage de Midi » de Claudel).
Puissiez-vous transférer ces mots sensibles dans votre pratique quotidienne.
Belle année 2015.
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