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  • Photo du rédacteurDominique Durand

Lettre N°39 -Décembre 2021

L'action juste


À l'issue de la COP 26, le réchauffement climatique est toujours loin d'être contenu à 1,5 °C... « Elle accouche d'un accord en demi-teinte », lit-on dans le Monde.

Face à ce que l'on pourrait appeler un échec, il est légitime de revenir à cette interrogation, qui, à un moment ou un autre, vient tarauder le tréfonds de notre conscience : « Que fais-je sur ce zafu, face à un mur blanc ? »

Même si le zen nous enseigne une pratique « sans but », il est peut-être nécessaire de nous poser cette question afin de nous remettre en selle dans une juste pratique et d'éclaircir la nature de notre engagement sur la voie. N'est-ce pas aussi l'occasion de préciser le lien établi entre transcendance et contingence dans notre quotidien ?

Quelle est donc notre manière d'assumer le monde tel qu'il est ?

Quelle forme de conscience anime nos engagements ?

Quel écart laissons-nous se creuser entre contingence et transcendance ?

Même si l'on crie haut et fort que l'on ne se défausse pas de notre responsabilité en pratiquant zazen, en quoi le fait de s'asseoir silencieusement peut-il changer quelque chose dans le monde tel qu'il est, tel qu'il va ?

Lorsque la question est ainsi posée, la réponse est : absolument RIEN. Parce que celle-ci émane d'un esprit qui distingue, sépare deux plans de vie qui n'en font qu'un. L'expérience méditative vécue de manière régulière, assidue et sérieuse, ne peut donner lieu à de telles interrogations. Le zen ne se place pas sur le plan de ce que l'on devrait faire ou ne pas faire, de ce qui est en notre pouvoir ou pas, le zen n'a de place sur aucun plan particulier. Tout ceci appartient au cadre de référence d'un moi conditionné.

Le zen précède l'éthique, la morale, le devoir ; il éveille une forme de conscience que Dürckheim qualifie d' « absolue »... « Celle qui nous libère, dit-il, du conformisme des tabous moraux ou des exigences créées par les croyances traditionnelles ». Propos d'une grande force, qui nous engagent à reconsidérer le niveau d'implication de tous les engagements que nous prenons.

La conscience absolue comprend une activité de reconnaissance qui a pour vocation de se reconnaître soi-même dans un ordonnancement universel. Lorsque la pratique nous enracine dans cette lente familiarisation avec un ensemble d'activités innées qui régissent notre vie (respirer, être assis, marcher, être allongé, être debout), l'engagement ne s'associe plus à un sentiment de puissance ou d'impuissance, il devient le fruit spontané d'une concordance entre ce que l'on fait et ce qui se fait. De là naît cette conscience aigüe qui ordonne ce que l'on doit faire avec soi-même, avec les autres et avec la nature.

La pratique et le monde ne sont pas deux sphères antagonistes, l'absolu d'un côté, le contingent de l'autre. Que faut-il pour que cesse cette opposition ? Se mettre en quête de cette loi cachée qui régit le vivant et apprendre d'elle une autre façon de voir, voir au-delà de ce que nous savons, de ce monde en train de brûler, au-delà de notre désespoir, parce que « la façon dont on voit ce monde a une répercussion immédiate sur la façon dont on s'en occupe.

L'assise en silence porte en elle l'action juste sans la laisser transiter dans les affres des remords ou des procrastinations.

Cette action est le corollaire d'un changement de regard, vous savez, ce regard qui éponge l'invisible tout en éveillant une nouvelle perception de soi-même.

C'est peut-être cela qu'évoquent Hölderlin et Bobin lorsqu'ils nous invitent à « habiter le monde en poète ».

Pour l'année 2022, je vous souhaite de pratiquer assidûment, sans relâche, afin de laisser germer en vous ce pour quoi vous êtes fait .


Dominique Durand


« Dans cette lutte incessante que constitue le monde, les contemplatifs sont les guerriers les plus résistants. Ce sont eux peut-être qui pourront nous tirer d'affaire... Il faut juste que chacun se remette à faire ce qu'il a à faire de la façon la plus simple... Chacun de nos gestes, chacune de nos journées peut empêcher le monde de rouler aux abîmes. »


Christian Bobin

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