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  • Photo du rédacteurDominique Durand

Lettre N° 42 - octobre 2022



« Le sage est celui qui éclaire ses illusions »

(Dôgen)

Aimez votre zazen, regardez bien où prennent racine vos turbulences, constatez leur inconsistance. Prenez soin de ce moment pendant lequel vous ne faites rien, vous revenez simplement à : être là.

Ne portez pas votre zazen au pinacle, n'en faites pas un objet de culte, vous risquez de l'abandonner faute de ne pas vous sentir à la hauteur. Ayez de la compassion pour la manière dont vous vous agitez. Plus vous idéalisez votre pratique, plus vous avez de chances de vous maltraiter et de creuser un écart entre vous et votre vrai soi. Votre vrai soi, c'est justement ce moment où vous prenez conscience de l'écart, ainsi vous descendez d'une marche dans l'escalier des illusions.

Cependant, ne faites jamais aucune concession quant à la discipline, ne laissez pas votre petit moi l'emporter sur ce terrain. La discipline est un cadre, et vous savez combien celui-ci vous protège de vos propres atermoiements. Le cadre se définit dans un contrat, mais là il ne s'agit plus d'un contrat d'affaires, mais d'un lien indéfectible entre vous et la voie. Cela ne doit jamais être remis en cause, ça, vous pouvez le faire, vous devez le faire.

Oui, votre pratique laisse à désirer, elle ne correspond pas à l'idéal que vous vous êtes forgé, et pour autant, le fait d'astreindre votre moi à la discipline vous conduit à une reconnaissance fondamentale : oui, cet exercice entrepris me contraint à l'abandon de cette maîtrise que j'imagine avoir sur ma propre vie. Ainsi, pour un temps donné, chaque jour vous expérimentez la mise en retrait de ce pouvoir que vous prétendez exercer sur votre existence.

C'est cette expérience qui transforme, vous acceptez de ne plus vous croire à l'origine de votre vie. Ce constat : « Je n'arrive même pas à contrôler mes pensées », bien plus que la recherche d'une absence totale de pensée, force votre modestie et votre abdication. C'est votre détermination et votre implication qui doivent maintenir leur caractère absolu, et non la pratique.


L'écueil tout aussi redoutable sur la voie est celui d'une auto-suffisance : « Puisque je sais asseoir ma présence dans le quotidien, à quoi bon poursuivre la pratique ? »

Cette question n'est pas sans nous rappeler cette histoire : Un maître zen agitait un éventail. Un moine lui demanda : « La nature du vent demeure en permanence et il n'y a pas d'endroit où elle ne pénètre pas. Pourquoi agitez-vous un éventail ? » Le maître dit : « Vous savez seulement que la nature du vent demeure en permanence, vous ne savez pas qu'il n'y a pas d'endroit où elle ne pénètre pas. » Entendons par « la nature du vent » la nature de Bouddha. Le moine, et peut-être nous-mêmes, pensons que la nature de Bouddha est comme la nature du vent, omniprésente dans le temps et imprégnant tout l'espace. C'est sans compter la nécessaire actualisation de cette nature à travers l'exercice.

Nos illusions prennent racine dans un ensemble de concepts qui définissent ce qui devrait être et ce qui ne devrait pas être , ce qui est satisfaisant et ce qui ne l'est pas. Les moments de pratique, quelle que soit l'appréciation que nous en ayons, mettent en lumière ces alternances d' auto- suffisance et de dévalorisation. Côtoyer soi-même chaque jour dans l'intimité de cette vérité, c' est en venir à accepter soi-même tel qu'on est et les choses telles qu'elles sont, et peut-être découvrir que c'est dans cette perte d'illusions que réside l'éveil.

René Char ne disait-il pas que « la lucidité est la blessure la plus proche du soleil » ?

Dominique Durand




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